Grands moments de l’histoire LGBTQ+ de Montréal
Montréal est aujourd’hui une destination LGBTQ+ de choix. Mais ses citoyens ont dû se battre pour qu’elle devienne la ville queer inclusive que l’on connaît. Voici quelques grands moments de l’histoire LGBTQ+ montréalaise.
1648
Montréal n’est qu’un avant-poste de la Nouvelle-France quand un joueur de tambour militaire gai, à la garnison française, est accusé d’avoir commis « le pire des crimes » et condamné à mort.
Sa vie est sauvée lorsque les jésuites de Québec interviennent en sa faveur et que l’évêque de l’Église catholique lui propose une alternative : périr ou devenir le premier bourreau de Nouvelle-France.
Il choisit de devenir bourreau.
1869
Le premier établissement gai en Amérique du Nord est l’Apple and Cake Shop de Moise Tellier, rue Craig (aujourd’hui rue Saint-Antoine), non loin du boulevard Saint-Laurent, où les hommes se rencontrent pour y avoir des relations sexuelles.
1959
Les hommes gais peuvent pour la première fois danser ensemble dans la Tropical Room du Downbeat Club (au 1422 rue Peel), le 27 août 1959, pour célébrer le 24e anniversaire de la célèbre drag queen et hôtesse Armand Monroe, alias « La Monroe ».
Monroe a d’ailleurs reçu le prix John-Banks lors de l'édition 2022 du Festival Fierté Montréal, avant de s'éteindre en 2023, à 88 ans.
1968
De 1968 à 1983, Denise Cassidy, plus connue sous le nom de Babyface, un surnom que lui a valu une brève carrière de lutteuse professionnelle, dirige certains des premiers bars lesbiens en ville : La Source, La Guillotine, Baby Face Disco, Chez Baby Face et Face de bébé (au 1486 boulevard René-Lévesque Ouest), qui ferme en 1983.
1973
Le Lime Light, une discothèque légendaire, ouvre à Montréal, alors considérée comme la vice-reine du disco, au 1254 rue Stanley. C’est là qu’œuvre, de 1973 à 1981, le grand manitou du disco montréalais, le DJ Robert Ouimet, élu meilleur DJ nord-américain par le magazine Rolling Stone, en 1976, puis DJ de l’année, en 1977, par le magazine Billboard.
Pour le Lime Light, Ouimet n’avait que de bons mots. Il a d'ailleurs déclaré que « [l]e Lime Light était bien mieux encore que le Studio 54, surtout parce que c’était un endroit amusant et accueillant pour tous — hommes, femmes, Noirs, Blancs, hétéros et gais. »
1976
Dernier vestige du fameux red light district montréalais, sur le boulevard Saint-Laurent (surnommé la Main), le Café Cléopâtre (1230 boulevard Saint-Laurent) ouvre ses portes. L’édifice abrite néanmoins un cabaret depuis les années 1890.
Au-dessus du club d’effeuilleuses du rez-de-chaussée est installé un cabaret, où la communauté transgenre montréalaise s’est toujours sentie en sécurité et où sont encore organisés des performances de drag queens, des fêtes fétichistes et des spectacles de burlesque. Le décor des années 1970 et les lumières disco en font un lieu irrésistiblement rétro.
1977
Le 22 octobre, la police montréalaise organise une descente aux bars de rencontres gai Le Truxx et Le Mystique (1428 et 1424 rue Stanley). Cinquante policiers armés de mitraillettes arrêtent 146 hommes au motif qu’ils se trouvent dans une maison de débauche. Le lendemain, plus de 2000 hommes gais et leurs alliés manifestent contre le harcèlement policier.
L’indignation du public force l’Assemblée nationale du Québec à modifier la Charte des droits et libertés pour interdire la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. Ce vote du 15 décembre 1977 est historique.
Le Québec devient ainsi la première province au Canada à bannir la discrimination en raison de l’orientation sexuelle.
Le Truxx est depuis considéré comme le « Stonewall montréalais ».
1979
Le célèbre militant gai montréalais John Banks, secrétaire personnel de Marlene Deitrich pendant de nombreuses années, forme La Brigade rose. Cette dernière organise le premier défilé de la Fierté à Montréal, qui attire 52 participants en juin 1979.
Le drapeau arc-en-ciel créé par Gilbert Baler pour le Gay Freedom Parade de San Francisco en 1978 n’étant pas encore un symbole communautaire, Banks coud ensemble deux draps, les teint en rose et les coupe en triangle. C’est en compagnie de la légendaire drag queen et hôtesse montréalaise La Monroe (Armand Monroe) qu’il agite ce « drapeau » en tête de cortège.
1983
Fondé par Ross Higgins et Jacques Prince, l’organisme sans but lucratif les Archives gaies du Québec présente régulièrement des lectures publiques, des expositions dans des musées et galeries ou encore d’affiches. Sa collection permanente comprend des milliers de clichés du photographe montréalais Allan B. Stone, connu pour ses photos de culturistes. En juillet 2013, les Archives ont déménagé du 4067 boulevard Saint-Laurent pour s’installer à leur emplacement actuel au 1000 de la rue Atateken.
L’édifice du 4067 boulevard Saint-Laurent a son importance dans la communauté puisque, outre les Archives gaies du Québec, il a également abrité les bureaux des festivals image+nation et Divers/Cité (qui a pris fin en 2015).
1984
Le Village LGBTQ+ montréalais doit son nom à l’entrepreneur gai Bernard Rousseau, qui ouvre le Cinéma du Village, un cinéma porno, aujourd’hui la salle de spectacles Le National (au 1220 rue Sainte-Catherine Est).
Les bars queer se déplacent vers l’est, dans le Village. En effet, avant le début des Jeux olympiques de 1976, plusieurs descentes de police ont lieu dans les établissements LGBTQ du centre-ville, et plus particulièrement au Bud (1250 rue Stanley), où 75 officiers accusent 122 hommes de se trouver dans une maison de débauche. Les loyers dans le Village sont à cette époque bien plus abordables qu'au centre-ville, ce qui contribue aussi à ce mouvement vers l'est.
1988
Le premier festival de cinéma LGBTQ canadien, image+nation, est fondé. Les premiers films et vidéos présentés traitent de résistance, de libération, de sida et de VIH. Image+nation a une influence significative et son directeur actuel, Charlie Boudreau, et sa directrice de la programmation, Katharine Setzer, continuent de rassembler des films faits par et pour les queer.
1989
Montréal accueille la 5e Conférence internationale sur le sida en juin 1989. L'histoire s'y écrit véritablement lorsque le fondateur new-yorkais de la AIDS Coalition to Unleash Power (ACT UP New York) se rend à Montréal en autobus pour assister à la conférence. Quelque 300 manifestants, accompagnés par des militants canadiens de AIDS ActionNow! et Réaction-SIDA, prennent la scène d'assaut lors de la cérémonie d'ouverture de la conférence. Les militants publient par la suite le Manifeste de Montréal, une déclaration internationale des droits pour les personnes vivant avec le VIH/sida.
1990
La police montréalaise fait une descente au Sex Garage, au petit matin du 15 juillet, dans un loft situé au 494 rue de la Gauchetière. Plus de 25 policiers ôtent leur badge et frappent 400 participants dans la rue. Cette nouvelle descente de police génère 36 h de protestation et d’affrontements entre la communauté LGBTQ montréalaise et les forces policières.
Le Sex Garage politise une génération entière de militants LGBTQ qui change le paysage politique québécois, organise le défilé Divers/Cité et crée des groupes d’action pour les droits civils de la communauté LGBTQ et l’amélioration de ses conditions de vie à Montréal.
À l’instar du raid de police de 1977 au Truxx, la descente policière décisive au Sex Garage est considérée comme un « Stonewall montréalais ».
1991
Le célèbre party montréalais Black & Blue naît après la descente policière au Sex Garage. Son fondateur, Robert Vézina, explique : « nous pensions que Montréal avait besoin d’un bon bol d’air frais ». Jusqu’en 2022, l’événement avait lieu chaque année durant la fin de semaine de l’Action de grâce canadienne (qui correspond au Columbus Day américain).
Sa fréquentation est record en 1999, quand le festival accueille 17 000 personnes au Stade olympique. L’année suivante est celle du thème Candles and Ribbons, qui voit le terrain du stade illuminé de 25 000 bougies pour créer un gigantesque Ruban d’espoir représentant le ruban du sida comme entrée spectaculaire à l’événement.
La disparition du Black & Blue, en 2023, marque la fin d'une époque.
1993
En réponse à la perquisition au Sex Garage, le premier véritable organisme montréalais de la Fierté, Divers/Cité, est fondé par les militants LGBTQ Suzanne Girard et Puelo Deir. Quelque 5000 personnes prennent part au défilé inaugural. Avec le Black & Blue, Divers/Cité place Montréal dans la liste mondiale des villes gaies.
2007
Le festival Fierté Montréal organise le grand défilé du défunt Divers/Cité et conserve les dates du festival gai en août. Le festival Fierté Montréal est à ce jour la plus grande célébration de la Fierté dans le monde francophone.
2017
Le festival Fierté Montréal tient Fierté Canada Pride, première célébration pancanadienne de la Fierté, et accueille à Montréal 96 organismes de tout le pays, alors que la ville et la nation célèbrent leurs 375e et 150e anniversaires respectifs. Fierté Canada attire 2,7 millions de visiteurs.
2019
Le 16 mai, l’Assemblée nationale du Québec reconnaît officiellement le statut particulier du Village LGBTQ+ de Montréal (que les locaux appellent simplement le Village), le plus vaste quartier LGBTQ en Amérique du Nord après celui de Castro, à San Francisco, comme lieu de refuge et d’émancipation.
2022
Montréal accueille la 24e Conférence internationale sur le sida, du 29 juillet au 2 août. La conférence y rassemble 15 000 participants, à la fois virtuellement et sur place à Montréal, parmi lesquels on retrouve notamment d'éminents scientifiques, des décideurs de premier plan et des militants. La conférence sur le sida tient également une célébration musicale avec la reine de la soul et du gospel Michelle Sweeney et ses chanteurs au parc de L'Espoir, situé dans le Village LGBTQ+.
2024
L'édition 2024 du festival Fierté Montréal se déroule du 1er au 11 août. Cliquez ici pour obtenir votre guide de la fierté LGBTQ+ de Montréal.
Richard Burnett
Richard « Bugs » Burnett est un auteur, rédacteur, journaliste, blogueur et chroniqueur canadien. Il écrit pour des hebdomadaires indépendants ainsi que des publications grand public et LGBTQ+. De plus, Bugs connaît Montréal comme une drag queen connaît les produits de beauté.